GAC’TUALITES FISCALES : FEVRIER 2020
Chaque mois, nos consultants fiscalistes décryptent l’actualité fiscale des entreprises et vous apportent leurs conseils d’experts pour agir en fonction.
DIVERS
Apport doctrinal sur l’abus de droit à but principalement fiscal
Avant la loi de finances pour 2019, l’abus de droit était réservé aux infractions à but exclusivement fiscal.
Avec cette loi, l’abus de droit a été élargi aux infractions à but principalement fiscal définies comme suit : « les actes qui ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. » (Art. L. 64 A du Livre des procédures fiscales).
L’administration fiscale apporte des compléments à cet élargissement. En effet, il est rappelé que la charge de la preuve pèse sur l’administration qui devra démontrer deux éléments :
- D’une part, il convient à l’administration de démontrer que « l’acte, tout en respectant la lettre d’un texte ou d’une décision, est contraire à l’objet ou à la finalité poursuivie par le législateur ou l’auteur de la décision. ». Il s’agit d’un caractère objectif.
- D’autre part, il convient à l’administration de mettre en avant un caractère subjectif définit par la volonté et traduit par un acte ayant « pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés. ».
De ce fait, pour que l’acte soit écarté, celui-ci doit rechercher le bénéfice d’une application d’un texte ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs.
De plus, les pénalités de 40% pour manquements délibérés et de 80% pour manœuvres frauduleuses ne sont pas automatiquement appliquées en cas d’abus de droit à but principalement fiscal contrairement à l’abus de droit à objectif exclusivement fiscal.
Source : BOI-CF-IOR-30-20-20200131
JURISPRUDENCE CIR
L’impartialité d’un expert ne peut être démontrée au seul moyen que ce dernier a apporté une expertise différente à une société sœur
Dans un arrêt du 8 janvier 2020, le juge des référés a rejeté une requête en suspension de l’exécution du recouvrement du supplément d’impôt sur les sociétés, en rappelant qu’une société doit apporter la preuve de l’urgence de la demande et un doute sérieux quant à la légalité de la décision de mise en recouvrement.
En l’espèce, une société, ayant déclaré son crédit impôt recherche au titre de l’année 2012, avait reçu un avis de mise en recouvrement à la suite d’un contrôle fiscal dont elle contestait la procédure.
La société avait saisi le juge des référés afin de suspendre l’exécution de la mise en recouvrement aux moyens, d’une part, que la procédure avait été entachée d’irrégularité pour manquement d’impartialité de l’expert, d’autre part, pour la mise en péril de la situation financière de la société engendrée par la mise en recouvrement de la somme.
Le juge des référés a rappelé les deux conditions nécessaires à la suspension de la mise en recouvrement. Ces conditions sont les suivantes : faire état d’un moyen propre à « créer un doute sérieux sur la régularité de la procédure d’imposition ou sur le bien-fondé de l’imposition » et faire état d’une « urgence ».
La requête a été rejetée aux motifs que le doute sérieux ne peut être soulevé sur la seule déclaration d’un défaut d’impartialité de l’expert qui avait rendu une expertise différente sur une société sœur de la société en litige.
Source : CAA Bordeaux, 8 janvier 2020, n°19BX04336
Ce qu’il faut retenir :
– Les deux conditions sont cumulatives. Le défaut de l’une suffit à écarter une requête devant le juge des référés.
– Il doit être pleinement justifié du doute sérieux et de l’urgence de la situation.
La simple comparaison avec des produits proposés par des concurrents n’est pas suffisante à justifier l’état des techniques existantes
Dans un arrêt du 28 janvier 2020, la Cour administrative d’appel de Lyon a rappelé que les activités qui n’ont pas été effectuées en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle, n’ont pas le caractère d’opérations de développement expérimental et ne peuvent bénéficier du crédit d’impôt recherche.
En l’espèce, une société avait fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre du crédit impôt recherche, lequel a par la suite été remis en cause par l’administration fiscale.
La société avait pour activité la conception et la réalisation de machines destinées à l’enseignement technique et professionnel. L’activité est défendue par la société en soutenant qu’il s’agissait de nouveaux procédés didactiques.
La Cour administrative d’appel a jugé que l’activité de création de machines reposait sur des phénomènes naturels ou scientifiques déjà connus et qu’aucune connaissance scientifique ou technique n’avait été générée. De plus, il a été jugé que la seule comparaison avec les produits proposés par des concurrents de la société ne pouvait justifier de la qualification comme nouveaux procédés didactiques des machines créées.
Source : CAA de Lyon, 28 janvier 2020, N°18LY03255
Ce qu’il faut retenir :
– L’état de l’art et les verrous doivent être clairement identifiés.
– L’état des techniques existantes ne peut pas être réalisé sur la simple comparaison avec les produits de la concurrence.
Les activités d’ennoblissement peuvent ouvrir droit au CIR alors même que la société n’élabore pas elle-même de nouvelle collection
Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la prise en compte dans le CIR des activités d’ennoblissement qui ne sont pas directement réalisées par la société.
En l’espèce, l’administration fiscale remettait en cause la prise en compte dans le CIR, de la réalisation d’échantillons de textiles pour des clients, non destinés à la vente mais aux fins de la fabrication par ces derniers de nouvelles collections.
Le Conseil d’Etat, revenant sur les dispositions de l’article 244 quater B du CGI, souligne que le bénéfice au CIR des sociétés exerçant une activité industrielle dans le secteur du textile, est accordé pour les dépenses de nouvelles collections qui sont exposées en vue d’une production dans le cadre de cette activité.
Le Conseil reprend les motifs de la Cour administrative d’appel, afin de mettre en évidence que l’activité industrielle pouvait être regardée comme liée à l’élaboration de nouvelles collections et pouvait se justifier par la présence d’un laboratoire « qui participait à la création de nouvelles collections élaborées par ses clients, en créant de nouvelles gammes répondant aux demandes de ces derniers selon un cahier des charges technique relatif aux coloris, au toucher, aux effets et aspects, au confort et aux mélanges possibles de matières, pour en déduire que ces travaux pouvaient être regardés comme portant sur la mise au point d’éléments de différenciation d’avec les gammes précédentes. »
Le Conseil d’Etat a en conséquence rejeté le pourvoi du ministre de l’action et des comptes publics.
Source : CE, 23 janvier 2020, N°430846
Ce qu’il faut retenir :
Pour le bénéfice du CIR, les dépenses de nouvelle collection doivent être exposées en vue d’une production dans le cadre de cette activité industrielle.
PROCÉDURE
La proposition de rectification visant un non-résident doit être adressée à son représentant fiscal
En l’espèce, un couple de contribuables ne justifiant plus de son domicile fiscal en France, avait été assujetti à des cotisations supplémentaires d’impôt. Le tribunal ayant déchargé le couple des impositions supplémentaires mises à leur charge, le ministre de l’action et des comptes publics avait fait appel du jugement.
La Cour considère que pour l’application des dispositions de l’article 57 du LPF, aux termes desquelles « l’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation », « il y a lieu de considérer que, sauf stipulation contraire, le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable pour recevoir l’ensemble des actes de la procédure d’imposition et y répondre emporte élection de domicile auprès de ce mandataire ».
La Cour en conclut que « lorsqu’un tel mandat a été porté à la connaissance de l’administration fiscale, celle-ci est en principe tenue d’adresser au mandataire l’ensemble des actes de la procédure d’imposition ».
Par ailleurs, la Cour s’appuie également sur les dispositions de l’article 164 D du CGI relatives entre autres « aux personnes physiques exerçant des activités en France ou y possédant des biens, sans y avoir leur domicile fiscal », pour préciser que « dès lors qu’une personne physique imposable en France, mais sans y avoir son domicile fiscal, a déclaré à l’administration fiscale un représentant en France (…) le mandat ainsi donné à ce mandataire emporte élection de domicile auprès de lui pour l’ensemble des communications relatives à l’impôts sur le revenu ».
Elle en déduit donc que « ce mandataire doit, en principe, être destinataire de la proposition de rectification prévue à l’article L 57 du LPF ».
Au regard de ces éléments de droit, la Cour a donc jugé que ce couple de contribuables était fondé à soutenir que la proposition de rectification les assujettissant à des cotisations supplémentaires d’impôt et qui leur avait été adressée et présentée à leur adresse personnelle à Londres, ne pouvait être regardée comme leur ayant été régulièrement notifiée et les avait ainsi privés d’une garantie.
Dès lors, la requête du ministre de l’action et des comptes publics est rejetée par la Cour.
Source : CAA Versailles 17 décembre 2019, N°17VE02360
Ce qu’il faut retenir :
Un mandat de représentation fiscale adressé par un non-résident à l’administration fiscale, lui est opposable même dans le cas où ce mandat lui a été adressé spontanément et avant tout contrôle fiscal.
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